UN PEU de souvenirs polonais lors de la cinquante-sixième des MILLE
ET UNE TERRASSE. Depuis trois jours, l’artiste pianiste Barbara
Drazkov était en résidence dans l’auditorium de la terrasse sous
terraine. Elle y avait préparé le piano angélique pour le concert de
Vendredi Soir. La planche du dessus du clavier ainsi que celle du
dessous venaient d’être retirées. Elles laissaient apparaître les
cordes du mobilier, aussi nombreuses que les arêtes d’un poisson
rectangulaire. L’artiste y avait coincées entre elles - des
chevilles pour murs, de la plasticine ou encore à d’autres endroits,
des bandes adhésives. Chaque note du piano venait d’être
scrupuleusement recalée vers des sonorités courtes d’une toute autre
nature. Les Notes graves, appuyées par deux petits micros, vibraient
à la manière d’un vieux « kazoo baryton ». La partie médium du
clavier prenait l’allure d’un carillon bâtard et miniature. Enfin
les notes aigües donnaient la sensation de petites billes en bois.
Aussi, un harmonium électrique en plastique jaune était joué en
annexe, de façon épisodique. Véloce et patiente, la Pianiste
polonaise était douée d’un très bon doigté. Issue du classique, elle
proposait des thèmes basés sur des mélodies crépusculaires qui
progressivement faisaient le contrepoint d’un jeu plus brutal à
certains moments ou répétitif et machinale à d’autres. Du premier au
dernier instant de sa performance, Barbara Drazkov était soucieuse
d’un récital haletant, habité et beau. Dans une robe vintage et à
manches courtes, elle était entourée d’une guirlande lumineuse.
Progressivement de l’électricité statique apparaissait dans sa
chevelure et dont le chignon s’abandonnait petit à petit. Cosaque,
elle chevauchait sa musique jusque dans le fracas des
applaudissements d’un public subjugué. Ainsi se terminait la
cinquante-sixième des MILLE ET UNE TERRASSE.
Photographies de Cayo Scheyven.
Comentarios